Alan Parker

Alan Parker nous a quitté… si nombre se souviennent à raisonde « Midnight express » (1978), de Pink Floyd, The Wall » (1982) ou encore de « Birdy » (1984), peu malheureusement ont eu le plaisir ou tout simplement la curiosité de voir son tout premier film réalisé en 1976 « Bugsy Malone » dont je tairais ici le titre français, en parti responsable à mon sens du peu d’intérêt que nombre de cinéphiles ont porté à cette œuvre.

A mon sens, « Bugsy Malone » est sans aucun doute un grand film de gangsters mais aussi, surtout une parodie qui en reprend tous les codes… à quelques détails près ! Et les détails c’est toujours ce qui fait la perfection : ici, un détail non négligeable, les gangsters et tous les protagonistes n’ont pas plus de treize ou quatorze ans. Qui au final nous livrent une histoire mêlant moult références à la grande tradition américaine des films sur la pègre.

Petit résumé histoire de se mettre dans l’ambiance : New York, la nuit. Des silhouettes noires inquiétantes se coursent à travers les rues pavées sombres et humides… un meurtre. On s’engouffre ensuite dans un speakeasy: nous sommes en pleine prohibition, et ces établissements clandestins (où l’on doit parler doucement pour ne pas de faire repérer) font florès. Claquettes, piano bastringue, chanteuses langoureuses en robes pailletées, vapeurs d’alcool et de fumées… Puis, une irruption, des cris, des coups de feu qui fusent. La guerre des gangs opposant Fat Sam et Dan le Dandy fait rage, et Bugsy Malone, petite frappe maligne et chéri de ces dames, est appelé à la rescousse par Fat Sam.

Vous l’aurez compris, je le répète, pas de doute, nous sommes dans un vrai film de gangsters, dans la plus pure tradition américaine. Américain vous avez dit ? Et non pourtant, nous sommes dans un film anglais. Devant la caméra, chefs de gangs, danseuses lascives et filles romantiques… mais ce sont des enfants de 8 à 14 ans qui jouent cette histoire devant nos yeux ! Ils sont fous ces anglais ! et c’est bien ça tout le génie de « Bugsy Malone », une petite folie so english : le concept aurait pu devenir une vulgaire et ridicule parodie, mais non ! Il se transforme en audacieux trompe l’œil, en un exercice de style réussi truffé de réjouissants clins d’œil cinéphiliques, où les jeunes acteurs jouent le jeu avec une élégance, un naturel et une présence de vrais professionnels. Ce film d’ailleurs révéla notamment une actrice prodige : Jodie Foster, épatante de maturité dans le rôle de Tallulah  qui cette même année, sous l’œil de Martin Scorsese, elle campera l’inoubliable Iris de Taxi Driver.

J’ai lu que cette idée de génie du réalisateur découle directement d’un désir d’enfant : celui de son jeune fils qui lui demandait, lors des longs trajets en voiture pour rejoindre la maison de campagne familiale, de lui inventer des histoires de gangsters où les protagonistes seraient uniquement des enfants. Que l’on ferait bien d’écouter plus souvent les enfants ! Le résultat est d’une fraîcheur et d’une drôlerie réjouissantes. Une parodie-hommage plus vraie que nature, où l’âge des acteurs ne se lit que sur leurs visages juvéniles. Car, vraiment, de dos ou de loin, mais aussi dans la façon de s’approprier la gestuelle maniérée des gangsters, la lascivité exagérée des femmes fatales, les jeunes comédiens sont justes parfaits et n’ont absolument rien à envier à leurs modèles. Rythme effréné, codes du genre repris et (soyons fous jusqu’au bout) adaptés aux enfants : les fusils ne tirent pas des balles mais…. De crème chantilly, les voitures sont à pédales mais avec bruit de moteur réel (on n’est pas à un détail près), les whiskys sont des sirops colorés… Rien n’a été négligé : décors et costumes typiquement années vingt, reconstitué minutieusement, dans les studios Pinewood dans le comté du Buckinghamshire près de Londres, jusqu’à l’accent italo-américain (improbable) du chef de gang et les réparties, bien senties, des filles qui ne s’en laissent pas conter.

Les références vont du « Parrain » en passant par certains films de Fred Astaire. Mais on peut aussi penser aussi à « Certains l’aiment chaud » car « Bugsy Malone » est aussi une pétillante comédie musicale orchestrée par Paul Williams (nommée à l’occasion à l’Oscar de la Meilleure Musique).

Finalement, en se jouant de la violence des adultes en la mettant en scène avec des enfants, Bugsy Malone reste dans la cour des grands et souligne le caractère puéril des codes et rivalités qui marquent le milieu de la pègre. Bravo ! Il fut sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 1976.

Une curiosité, à voir… et revoir ! Merci Monsieur Alan Parker

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *