1er film censuré pour raisons politiques, « L’affaire Dreyfus » de Georges Méliès

Un film retiendra peut-être notre attention, celui qui fut le premier à être censuré pour des raisons politiques.

Et là encore c’est l’homme de cinéma des premières fois, Georges Méliès, qui fit les frais de cette censure.

En 1899 la France se déchire sur l’affaire Dreyfus dans une société encore marquée par l’antisémitisme des milieux conservateurs qui restent persuadés que ce capitaine juif a bien vendu des secrets à l’état allemand. Les journalistes et des étudiants progressistes sont de leur côté plus que jamais convaincus de l’innocence de Dreyfus. Et Méliès se joint à eux ; Dreyfusard de la première heure il ne va pas manquer d’ajouter sa pièce à l’édifice.

En septembre 1899, quelques temps après le procès en révision du Capitaine Dreyfus devant le conseil de guerre à Rennes, Georges Méliès tourne un film où il reconstitue l’affaire en 11 tableaux sans équivoque. L’approche de Méliès est radicale à une époque où les films sont presque entièrement des récits uniques d’une minute ; il va réaliser 11 tableaux filmiques qui successivement en plusieurs parties vont retracer l’histoire de Dreyfus, de son emprisonnement initial jusqu’au deuxième procès de 1899.

Le film a été tourné dans les fameux studios de Montreuil. La volonté affichée de Méliès est d’émouvoir le public sur le sort du capitaine. Se sentant investi de cette mission, il va même aller jusqu’à jouer lui-même le rôle de l’Avocat de Dreyfus maitre Labori, entre autres dans la vue intitulé « Incidents entre les journalistes ». Dans cette même vue, il va souhaiter donner un aspect réaliste à la scène et pour cela, exceptionnellement, les comédiens seront autorisés à ne pas respecter le trait marqué à la craie au sol qui est habituellement la ligne que ne doivent pas franchir ces derniers lorsque la caméra tourne. Ainsi les acteurs se dirigent dangereusement vers la caméra ce qui donne un aspect beaucoup plus vrai, plus impressionnant encore. Du moins bien plus que l’ensemble des autres vues, réalisées traditionnellement (théâtralement) avec une narration totalement maîtrisée.

Méliès souhaite véritablement faire preuve d’une grande objectivité, d’un grand réalisme ; il reconstitue aussi justement possible les événements d’après des photographies et des illustrations qu’il trouve dans la presse. Par exemple, là scène ou Dreyfus quitte le lycée pour la prison à elle été reconstituée à partir d’une photographie que Méliès a trouvé dans le journal L’Illustration. Quant à la scène de retrouvailles entre Dreyfus, sa femme et son avocat, elle fut filmée au sortir même de la visite de l’accusé, histoire de pouvoir être totalement imprégné de l’émotion du moment. On raconte même qu’une caméra avait été placé sur le toit d’une maison qui jouxtait le lieu de détention de Dreyfus afin qu’une image du capitaine, fusse t’elle brouillée, puisse être incorporée au du film.

Le film connait à sa sortie un grand retentissement, un tel succès que des gens se battent pour aller le voir. Si bien que certains préfets en interdisent la projection : des bagarres dans les salles entre partisans et adversaires du capitaine éclatent. Les autorités décident alors unanimement d’interdire le film pour éviter de nouveaux troubles à l’ordre public. Georges Méliès, le magicien du cinéma, devient ainsi le premier réalisateur dont l’œuvre sera censurée pour des raisons politiques.

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